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festival du cinéma américain de Deauville - Page 13

  • « Dans la vallée d’Elah » de Paul Haggis et « Grace is gone » de James C. Strouse : un cinéma en (mauvaise ?) prise avec l’actualité

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    27121f87b640e2b36a92e4495c08d3db.jpgChaque jour ou presque des images d’attentats suicides en Irak nous parviennent. Nous parviennent ou ne nous parviennent plus d’ailleurs car trop atroces pour sembler réelles elles créent parfois une distance, elles nous paraissent parfois chimériques et factices comme les images d’un blockbuster outrancier.  La réalité ressemble parfois dramatiquement à du mauvais cinéma. La difficulté mais aussi la nécessité pour le cinéma de s’en emparer est donc d’autant plus grande. Plusieurs films de ce festival ont ainsi pour cadre le conflit irakien notamment « Dans la vallée d’Elah » de Paul Haggis et « Grace is gone » de James C.Strouse. Le premier était particulièrement attendu, étant le seul oscarisé deux années de suite, pour « Million dollar baby » mais surtout « Collision » qui avait également remporté le grand prix à Deauville. Ce film portait d’ailleurs déjà sur les répercussions du 11 septembre 2001 et la paranoïa qui s’était alors emparée de l’Amérique. « Dans la vallée d’Elah » raconte la quête d’un père dont le fils, de retour d’Irak pour sa première permission, disparaît mystérieusement et est alors signalé comme déserteur.  Quête de son fils puis de la vérité une fois ce dernier retrouvé mort et atrocement mutilé. Ce père, un ancien membre de la police militaire est interprété par Tommy Lee Jones. Il sera aidé dans ses recherches par Emily Sanders (Charlize Theron), officier de police de la juridiction du Nouveau Mexique où le jeune soldat a été aperçu pour la dernière fois… Paul Haggis avait visiblement un désir profond et violent d’évoquer ce sujet, de lutter et se révolter à sa manière. C’est un peu comme si les émotions, probablement sincères, s’étaient bousculées dans son esprit mais qu’il n’était pas parvenu à les canaliser, paralysé par l’enjeu, dépassant soudain le cinéma, et nous jetant ainsi en pleine figure sa révolte comme un magma incontrôlable et chaotique. Le but est tellement ouvertement affiché par le cinéaste, les moyens sont tellement flagrants qu’ils en perdent presque leur force. Plutôt que de nous montrer les images insoutenables du journal télévisé,  Paul Haggis égrène les images de la guerre par petites touches, par le prisme d’un écran de téléphone avec lequel le jeune soldat avait filmé la guerre. Et puis l’horreur surgit brutalement, s’immisçant dans la réalité américaine apparemment si loin de ces images de guerre, d’un pays pourtant en guerre, si loin, là-bas de l’autre côté de l’écran de télévision et finalement donc si irréelles. La bonne idée est donc d’évoquer les conséquences de la guerre dans la société américaine, de la faire passer de la virtualité à la réalité : chaque américain peut alors s’identifier à ce père qui recherche son fils et le retrouve mutilé… davantage qu’à ces images de massacres pourtant non moins tragiques . Paul Haggis s’est donc intéressé au comportement des soldats une fois de retour du front : leur comportement est anormal et déséquilibré, inhumain (ou justement trop humain ?) et animal. La guerre , les horreurs dont ils ont été témoins et parfois les auteurs les ont déshumanisés….ou peut-être l’inverse , c’est selon…  Ils ont le droit quasi divin de droit et de mort, ce droit qui n’appartenait auparavant qu’à ces fictions qu’il regardait probablement avec désinvolture, comme celles d’un ailleurs, d’une illusion impossibles, bref comme une fiction d’où la difficulté pour la fiction de s’emparer de ce qui apparaît déjà comme fictif. Ils ont perdu leurs repères et toute notion de normalité. Elah fut ainsi, selon la bible, le théâtre de l’affrontement de David et Goliath. Le titre évoque ainsi les suites tragiques d’une guerre qui semble perdue d’avance : le traumatisme des soldats de retour à la vie civile. Paul Haggis explique ainsi le titre : « Saül envoya David dans la vallée d’Elah avec seulement cinq pierres pour affronter Golath. Je pose la question : Qui oserait cela aujourd’hui ? Qui demanderait à un enfant de se battre contre un géant ? Envoyer des jeunes hommes et des jeunes femmes faire la guerre engage notre responsabilité collective ».

    Si le dessein et le propos sont louables,  le film est selon moi néanmoins raté (mais cela n’engage que moi, le film a été longuement ovationné lors de son projection en avant-première au CID, voir vidéos ci-dessous) pour les raisons évoquées ci-dessus (l’impossibilité pour Paul Haggis de contenir son émotion et de produire un film « ordonné ») mais aussi parce que certaines situations sont totalement improbables recréant la distance de l’écran de télévision, notamment parce que les personnages secondaires sont caricaturés : ainsi va-t-il de l’épouse et mère évidemment éplorée (Susan Sarandon) mais aussi de la relation entre le père du jeune soldat et l’officier de police (Charlize Theron, remarquable néanmoins) : comment croire qu’on laisse un père ainsi s’immiscer dans une enquête en cours, tout ancien militaire qu’il soit ? Comment peut-on trouver crédible que l’officier de police l’invite chez lui à bavarder autour d’un verre, à raconter une histoire à l’enfant de l’officier de police (un fils évidemment, l’histoire de David contre Goliath évidemment aussi) etc ? Premier des 7 films qui vont sortir prochainement concernant la guerre en Irak, l’intérêt film est donc son sujet davantage que le traitement de celui-ci. Reste l’image finale : celle d’un drapeau américain déchiquetée flottant dans l’air. Celle d’une Amérique blessée, coupable et victime, mais oui, blessée en tout cas, qui continue à se battre, aveugle ou aveuglée, malgré les stigmates de la guerre. Le combat de David contre Goliath. Mais ce n’est pas la vallée d’Elah.  Mais ce ne sont pas que des images, juste que des images, surtout atroces chaque soir, entre le potage et le plat de résistance. C’est l’Irak. Un combat  jusqu’à quand et jusqu’où… ?

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     « Avec Grace is gone », en compétition officielle, le parti pris de James C. Strouse est tout autre : pour émouvoir le spectateur, pour qu’il se sente concerné, pour qu’il considère à quel point ce conflit et réel et à quel point il est   là aussi avec des implications ici et maintenant, il filme l’impossibilité pour un père d’avouer à ses filles la vérité : leur mère, militaire, a été tuée en Irak. Si le public est forcément ému à cette histoire à laquelle chacun peut s’identifier  (et par cet aspect c’est une réussite) James C .Strouse, ne nous épargne aucun effet susceptible de nous émouvoir : musique outrancière, gros plans sur les larmes… Reste un film touchant à défaut d’être marquant et  novateur.

    Il ne faudrait néanmoins  pas que la guerre en Irak devienne une fausse bonne raison, un prétexte fallacieux pour émouvoir le spectateur. Le propos perdrait alors de sa force et de l’écho : il en a tant besoin…

    A suivre sur « In the mood dor Deauville » : « Factory girl »,   et la critique du premier film de Ben Affleck en tant que réalisateur (photo ci-dessous),  en avant-première mondiale «  Gone, baby gone »… et toute l’actualité du festival.

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    Sandra.M
  • « L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford » : projection et conférence de presse du sublime western psychologique de Andrew Dominik

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    La conférence de presse

    L’assassinat de Jessie James par le lâche Robert Ford. Voilà qui résonne comme le titre d’un film de série B. Voilà qui est tout sauf un film de série B. Un film majeur, sublime, singulier, qui m’a enthousiasmée et captivée comme rarement je l’ai été cette année au cinéma. Mais avant d’en revenir au film et à sa projection :  petit flash back sur la conférence de presse qui s’est déroulée auparavant, du moins est-ce ainsi qu’on appelle ce curieux rituel  qui la veille avait eu des allures d’empoignade qui cet après-midi avait des airs d’évènement. L’atmosphère est électrique dans la foule des journalistes, tous médias prestigieux qu’ils représentent, certains s’étant vus refusés la veille l’accès à la conférence pour «  Michael Clayton ». Le sésame indispensable  est apparemment cette fois gris. La hiérarchie festivalière qui ignore toute démocratie (la démocratie s’arrêterait-elle à l’entrée d’une salle de presse ?) est parfois obscure.  Nous entrons par quatre.   J’entre. Un garde du corps, épuisé, nous toise d’un regard méprisant. Les CRS entourent la salle de conférence. Allons-nous voir un lion en cage ? Nous voilà en tout cas enfermés avec lui dans le zoo. Un lion traqué plutôt. Après la décontraction et le professionnalisme de Michael Douglas, les excès d’enthousiasme du  non moins charismatique George Clooney, Brad Pitt est visiblement tendu, sur la défensive, (on le serait à moins…) distribuant ses sourires avec parcimonie. Exténué sans doute, la traque a paraît-il commencé dès le début de l’après-midi, dès l’aéroport, puis à l’hôtel Royal. Ne jamais baisser la garde. Comme Jessie James. Véritable métaphore de sa propre existence. Brad Pitt est parfois craint parce qu’admiré. Jessie James est admiré parce que craint. Mais leurs célébrités, certes si dissemblables dans leurs causes, les enferment dans une pareille solitude, méfiance, les condamne à être constamment aux aguets, à l’affût d’un regard perfide, d’une attaque imprévue, à être coupés de la vie. Ils sont deux victimes de personnes aspirant à la célébrité « sans savoir pourquoi, croyant qu’ils vont ainsi devenir de meilleurs humains » ajoute Brad Pitt. Ils provoquent tous deux des bagarres d’un genre certes différent, l’un entre des vautours d’un genre nouveau (à l’aéroport, donc), l’autre entre ceux qui veulent sa tête, d’une autre manière ( dans des plaines gigantesques).  Deux êtres, finalement et évidemment humains, dont on a voulu faire des légendes.  Et la même lassitude, alors compréhensible, semble s’être emparée d’eux. La conférence de presse débute par l’évocation de la complexité du film, à l’image des films des années 1970 qui « prenaient leur temps ». La première version faisait ainsi 4H30. Celle-ci fait 2H35. Rassurez-vous : vous ne les verrez pas passer.  Mais cette similitude entre sa propre existence et le personnage de Jessie James n’est certainement pas la seule raison pour laquelle Brad Pitt a choisi de produire ce film sur le célèbre hors-la-loi et de l’incarner.

    A une question sur « L’homme qui tua Liberty Valance » de John Ford, Andrew Dominik avoue qu’il ne l’a pas vu et Brad Pitt répond que lui l’a vu mais que, contrairement au film de Ford, celui d’Andrew Dominik, raconte davantage la véritable histoire de Jesse James  que la légende. Brad Pitt  précise que lorsqu’il choisit de s’investir dans un projet, il ne réfléchit évidemment pas pour savoir si le film aura du succès ou non. Ce qui compte surtout pour lui c’est « l’histoire et les gens qui travaillent sur un projet ». Il évoque aussi sa société de production « Plan B », dont il avoue que le nom n’est pas trop inspiré (inspiré par son prénom et celui de l’autre cofondateur qui s’appelait également Brad) parce que souvent il voyait des films qui n’aboutissaient pas comme il l’aurait souhaité.  A Casey Affleck, un journaliste demande s’il considère davantage son personnage comme un traitre ou une victime. Casey Affleck répond qu’il est « les deux et bien d’autres choses ». L’intérêt du film et leur implication dans celui-ci résulte selon eux avant tout de  son absence de manichéisme. Les films projetés depuis le début du festival ( à l’exception du film en compétition ce matin « For your consideration » qui a tenté de dire maladroitement ce que Marc Fitoussi a exprimé si justement avec « La vie d’artistes » mais revenons à  nos moutons, lions) dénotent d’ailleurs  une exigence scénaristique, une complexité, bien loin des standards caricaturaux hollywoodiens. Quelqu’un demande à Casey Affleck si c’est un avantage ou un inconvénient d’être le frère de Ben Affleck.  Il répond, visiblement agacé, que cela permet qu’on lui pose de telles questions… Probablement pour la énième fois. Puis, il répond avec humour qu’il a pu « le jeter au requin » et voir avant d’y être lui-même jeté, l’effet que cela produit. Pour l’équipe, ce film est un conte de fée, ce que reflètent les images floues et donc tordues de la réalité, comme vues par le prisme  d’un daguerréotype.  La conférence de presse s’achève et en entendant ces questions relativement banales, je ne me doute pas encore que je vais voir ce film inoubliable, captivant  et si novateur. Nous sommes enfermés dans la salle de conférence quelques minutes avant de pouvoir sortir pour que le public ne s’y engouffre pas et que Brad Pitt puisse repartir tranquillement pour se réfugier, se reposer loin des traqueurs carnassiers.

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    La projection au CID : un western psychologique

    D’abord il est difficile de définir ce film qui reprend certes les codes du western mais qui les détourne majestueusement. Tout comme le titre nous donne une fausse piste. Evidemment il s’agit bien de l’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford. Mais au final, peut-on parler d’assassinat ? Ou d’une bête traquée qui, lasse ou provocante, défie la mort ? Peut-on parler de lâcheté à propos de Robert Ford ? Ce titre, finalement très brillant et loin d’être anodin, évacue d’emblée ce que nous savons déjà parce que l’intérêt est ailleurs. Et si ce film renouvelle le genre, c’est parce qu’il instille la psychologie, aux antipodes du manichéisme habituellement érigé en principe du western.  Les héros sont aussi vulnérables.  Ils ne sont pas invincibles. C’est en effet un duel psychologique palpitant. Une lutte entre deux hommes. Une lutte interne pour chacun d’eux aussi. Robert Ford partagé entre sa vénération pour Jesse James et son désir de gloire de cet homme érigé en héros qu’il vénère autant qu’il désirerait prendre sa place.  Entre l’adoration et la haine.  Entre l’innocence, l’arrogance et  l’ambition. Finalement si proches et peut-être si indissociables. Qui peut mieux haïr que celui qui a le plus adulé. La passion est versatile dans ses excès. Jesse James  est en proie  à ses démons. Robert Ford idolâtre Jesse James. Jesse James lui demande un jour s’il veut « être lui » ou « être comme lui ». La passion, elle aussi, elle surtout,  a des raisons que la raison ne connaît pas.

    Quelques plans font songer à « La prisonnière du désert » et pourtant ce film ne ressemble à aucun autre. La course des nuages que le réalisateur filme à l’envie et par lequel débute le film nous fait d’abord craindre un film caricatural. Il annonce simplement la poésie de ce film imprégné d’une lumière crépusculaire. Les interprétations parfaites et même impressionnante de Brad Pitt et Casey Affleck ajoutent à l’intensité de ce film magistral. Notre respiration est suspendue. Tout peut basculer d’un instant à l’autre. Le doute s’immisce dans les esprits. Le lion peut rugir à tout instant. Un regard qui se brouille. Une agitation inhabituelle. Rien ne lui échappe. C’est d’une intensité hitchcockienne. Voilà, c’est un western hitchcockien, un western d’auteur. Rien n’est superflu.

    Ce film est l’histoire d’une légende qu’en interprète une autre. Un film d’une grande modernité qui renouvelle le genre. Un western qui s’appréhende comme un thriller psychologique. Une œuvre sombrement poétique et mélancolique, lyrique. Un voyage dans des âmes tourmentées et complexes. Un grand film d’une rare richesse psychologique et d’une grande beauté formelle. Qui nous parle d’un monde qui a fait d’un criminel un héros. Qui nous parle aussi du nôtre. Qui fabrique des légendes.  Des lions en cage, celle de leur âme, celle que leur fabriquent ceux qui les traquent, impitoyablement, inlassablement. Un conte de fée des temps modernes. J’y reviendrai avec le recul et le temps nécessaires pour vous en parler parce que ces quelques lignes sont trop courtes et réductrices pour évoquer ce film unique qui me donne finalement l’impression d’avoir accompagné la course des nuages dans leur voyage sombrement poétique d’une beauté et d’une profondeur indicibles  et tellement magique.

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    Le festival  a 33 ans. C'est une renaissance. Il a connu une effervescence comme je n'en avais pas vu ici depuis ses 25 ans. Voici quelques vidéos (pardon pour la qualité des images filmées avec un appareil photo...) qui vous permettront de juger par vous-mêmes...









    Sandra.M

  • « Michael Clayton » de Tony Gilroy : conférence de presse et avant-première

     

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    Cette année, une fébrilité comme le festival n’en avait plus connu depuis longtemps règne à Deauville. Le festival bruisse, et même résonne, plus que de coutume de rumeurs et d’excitation, d’échos médiatiques et d’effervescence. Deauville se donne des airs de Cannes, l’exubérance et la futilité en moins, et cela lui sied très bien. Les projections du soir sont uniquement sur invitation, le tapis rouge devient la douce obligation de cette 33ème édition qui revêt son costume d’apparat qui ne dissimule aucune vacuité mais au contraire met en valeur les films présentés et contribuent à donner une couleur rouge festive à cette édition. La venue de George Clooney pour Michael Clayton a suscité une véritable euphorie avec pour apogée la projection de Michael Clayton au CID en soirée, uniquement pour les plus privilégiés d’entre nous…  (voir images ci-dessous).

    La journée a débuté par la conférence de presse qui a donc provoqué une véritable cohue. Elle n’en a pas été moins  intéressante…

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    a39449c66f56d59b2b1dbf538fc45148.jpgGeorge Clooney ingurgite son verre de rosé plus qu’il ne le déguste, trahissant son ennui, sa gêne, sa lassitude de ces regards qui semblent parfois plus le dévorer, le déshumaniser que le regarder, ou le voir vraiment.  Il surjoue son enthousiasme. Il faut bien rassasier tous ces regards voraces, potentiellement impitoyables, sûrement aussi oppressants. Il a d’abord été question du cinéma (si, si quand même) des années 70 auquel le film fait évidemment penser. D’après George Clooney, il y a de nouveau une urgence de parler de l’actualité, de ce qui se passe depuis 5 ou 6 ans aux Etats-Unis tout comme le cinéma reflétait les luttes sociales ou politiques dans les années 70 à l’image de celle contre la guerre du Vietnam (qui en rappelle une autre, évidemment, que George Clooney évoque implicitement).  Il loue la qualité du scénario de « Michael Clayton ». Selon lui, tout le travail était fait, il n’y avait plus qu’à jouer.  Tilda Swinton insiste également sur l’absence de manichéisme du scénario et en particulier de son rôle. Le film est en effet plus intéressant par la complexité de ses personnages (même si certains sont un peu négligés, Michael Clayton -comme le titre éponyme le préfigure- avec ses doutes, ses zones d’ombre, ses contradictions étant  évidemment au centre du scénario) que de l’intrigue (assez convenue mais peu importe, le film demeure à voir et intéressnt).  George Clooney  parle aussi des films dans lesquels il accepte de jouer pour rien … ou presque. De l’argent que lui a remporté les « Ocean », lui permettant de « payer da maison » et ainsi de faire des films pour « rien ou presque ». George Clooney use et abuse de la dérision, de l’auto dérision, le cynisme pourrait bientôt  affleurer. Il dit que la première fois qu’il a pleuré c’est à l’avant-première de Batman.  Il faut leur en donner pour leur attente à tous ces regards implorants. Les flashs crépitent. Les gestes plus que les propos finalement, pourtant intéressants,  semblent capter l’attention. Alors George Clooney en fait des tonnes, fait semblant de partir.  Et puis il parle de politique, il y parvient quand même. Tant pis pour les regards qui demandent autre chose. L’acteur de séries qu’il était, lorsqu’il est venu à Deauville il y a quelques années, est aujourd’hui un acteur (et un réalisateur) qui fait des choix judicieux (il se considère ainsi trop vieux pour faire des films d’action et de plus cela ne l’amuse plus) et surtout un homme engagé notamment auprès du Darfour. Selon George Clooney, «  l’art peut changer les choses », « un groupe de films peuvent changer les choses » à une époque où il est difficile voire impossible de dire la vérité à la télévision. Selon George Clooney le réalisateur Tony Gilroy fait preuve de modestie en niant le caractère politique de Michael Clayton (voir pitch ici) qui l’est selon lui indiscutablement. Le film est ainsi réalisé par Tony Gilroy également scénariste de « La vengeance dans la peau » projeté hier. Ces deux films ont également en commun un montage astucieux, un rythme soutenu. Je vous en parlerai bientôt de nouveau. En attendant, je vous laisse avec ces quelques images et vidéos de la conférence de presse et de la présentation de « Michael Clayton » au CID .

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    A noter : avant la projection du film, dans les salons de l’hôtel Royal George Clooney a reçu la médaille de Chevalier des Arts et Lettres des mains de C. Albanel, Ministre de la Culture.

    Programme du jour : « For your consideration », premier film de la compétition qui débute ainsi aujourd’hui et  « L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford ». A suivre…

     Sandra.M

  • Avant-première de « la vie d’artiste » de Marc Fitoussi : prix Michel d’Ornano 2007

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    Le prix Michel d’Ornano revenait cette année à « La vie d’artiste » de Marc Fitoussi, un premier film qui en plus de son prix (voir description du prix ici) a donc eu le privilège d’une projection au CID. Un film aux antipodes de celui projeté la veille au même endroit, et qui témoigne ainsi  une nouvelle fois de la diversité de ce festival et de sa programmation. « La vie d’artiste » qu’est-ce donc alors ? (voir pitch ici).  Ici, en tout cas, ce sont : le plaisir viscéral d’exercer son art, la rage (de dire, d’écrire, chanter, jouer … ou de paraître) les amitiés intéressées  feintes avec tellement d’habileté, les rancœurs assassines, les coups du destin (oui, encore), les concessions à ses idéaux, les vicissitudes de la chance,  un directeur de casting arrogant, des applaudissements qui résonnent comme des coups de poignard ou comme des regrets amers, des regards qui se détournent  ou captivés en fonction d’un succès ou d’un échec,  des situations cocasses,  la duplicité de ceux qui la méprisent ou feignent de la mépriser, des masques de  jalousies si réussis. C’est oublier un peu la vie, l’autre, celle que certains disent la vraie. C’est un désir avoué ou inavoué, un regret, un remords. La vie d’artiste, c’est ce qui altère les comportements de ceux qui la vivent, de ceux qui  les côtoient ou  ceux qui les regardent plus encore. Si certaines situations sont prévisibles, elles n’en demeurent pas moins très justes. « La vie d’artiste » me fait penser à cette phrase de Martin Scorsese lors du dernier Festival de Cannes : pour faire un film il faut le vouloir plus que toute autre chose au monde. La vie d’artiste c’est le vouloir plus que toute autre chose au monde. Une nécessité impérieuse. Parfois, au détriment des autres. La vie d’artiste, c’est être parfois égocentrique à moins que ce ne soit être injustement jugé comme tel. La vie d’artiste c’est être aveugle au monde extérieur. A moins que ce ne soit un moyen de l’oublier ou de le sublimer ou de le regarder. Autrement. Dommage que les passions des trois protagonistes, ou de qui devraient être leurs passions ( le personnage de Denis Poladydès semble ainsi davantage être guidé par l’envie  de reconnaissance que par celle d’écrire) semblent vécues davantage comme un poids que comme une libération. La passion : poids ou liberté (ou libération) : hein, je vous le demande… J’ai bien ma petite idée… Dommage que certains personnages soient aussi caricaturaux (certes délibérément, comme ressorts de la comédie  que ce film est avant tout) comme celui d’Aure Atika non moins irrésistible en patronne d’Hippopotamus irascible, ou comme celui de Valérie Benguigui jalouse de la passion, de la « vie d’artiste « de son amant qui le lui vole. La vie d’artiste c’est surtout  ce qui donne cette petite flamme dans les yeux et la vie de ceux qui la vivent ou y aspirent. La petite lueur dans les yeux du spectateur au dénouement de ce film drôle et prometteur qui explore toutes les situations ou sensations insolites (souvent), magiques (presque pas, pas suffisamment) que suscitent la « vie d’artiste ». La vie, passionnément. Plus intensément. Un désir ardent que le film ne reflète peut-être pas suffisamment ayant néanmoins ainsi gagné en comédie et drôlerie ce qu’il perd en profondeur.

    Sandra.M

  • "La vengeance dans la peau" de P. Greengrass en avant-première au CID

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    En attendant d'avoir le temps de vous parler plus longuement de ce film trépidant, haletant, jubilatoire qui comprend un nombre de plans incalculable, qui ne vous laisse pas une seconde de répit dont la projection a été ponctuée de nombreux applaudissements dont on ressort aussi harassés que son invincible protagoniste, voici, ci-dessous, les vidéos de sa présentation au CID .






    A NOTER:

     Yasmina Reza (en raison de l'effervescence entourant "L'aube le soir ou la nuit"?, nous l'ignorons...) ne fera finalement pas partie du jury. Nous ignorons encore par qui elle sera remplacée.

    Mon programme du jour: "La vie d'artiste" de Marc Fitoussi, la conférence de presse de Michael Clayton notamment avec George Clooney et la projection du film ce soir.

    Sandra.M

  • Ouverture du festival et hommage à Michael Douglas : fil et fils du destin…

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    Le vent se lève.  Ken Loach n’y est pas pour grand-chose. C’est ainsi à Deauville : rien ne s’y déroule jamais comme prévu, mais le destin tisse sa toile. Parfois majestueusement. Tel fut du moins le cas pour celui à qui le Festival rend hommage en cette soirée d’ouverture du 33ème Festival : Michael Douglas qui, en conférence de presse comme dans la salle du CID, répète avec délectation que, si ce festival est important pour beaucoup, peu de personnes peuvent se glorifier du fait qu’il a changé leur vie. Si vous saviez Monsieur Douglas…

    Revenons quelques décennies en arrière. Pas tout à fait 33 ans. 30 ans pour être exact. Le festival rendait alors hommage à un certain Kirk Douglas qui devint alors par la même occasion un véritable ambassadeur pour ce festival naissant dont il ne cessait de vanter les mérites. Il y a 10 ans, le Festival rendait pour la première fois hommage à Michael Douglas. Il y a 9 ans, Michael Douglas venait présenter à Deauville « Perfect murder ». Le lendemain, Deauville projetait « Le masque de Zorro »  que Michael Douglas avait déjà vu 15 jours auparavant, il n’avait  alors pas été insensible au charme de son actrice principal. Le destin voulut que la même actrice fût à Deauville, le lendemain de l’avant-première de « Perfect murder ». Michael Douglas s’arrangea pour boire un verre avec elle, et comme ce dernier le raconte sans se faire prier il était venu pour « un meurtre parfait » et était reparti avec « la femme parfaite ».  Avant la projection, Michael Douglas a donc remercié le festival qui  a « changé sa vie » et le maire de Deauville qui, en plus du citoyen d’honneur qu’il était déjà, en a fait « l’Ambassadeur du Deauville romantique ». Chabadabada … Deauville est donc désormais connu Outre Atlantique pour « Un homme et une femme », son Festival du Cinéma Américain et … Michael Douglas et Catherine Zeta Jones.

    Michael Douglas n’est pas seulement à Deauville pour son hommage (à l’acteur mais aussi au producteur) mais également pour la projection en première de « The king of California », le premier long-métrage de Mike Cahill (voir pitch ici) produit par Alexander Payne. Lors de la conférence de presse, Michael Douglas a d’abord insisté sur le plaisir d’être ici. Son visage d’abord grave, plutôt concentré, s’illumine alors. La ressemblance avec  son père est tellement frappante qu’il est difficile de l’ignorer. Je revois la silhouette impériale et chancelante de Kirk Douglas, 8 ans auparavant, qui souffla les 25 bougies du festival. Lorsqu’on demande à Michael Douglas s’il n’a pas été difficile de sortir de l’ombre de ce géant, chaque biographie de l’acteur débutant  par l’évocation de cette prestigieuse filiation, l’émotion, visiblement non forcée,  s’empare de l’acteur qui évoque avec admiration le troisième acte de la vie de celui qui aura 91 ans décembre. Il évoque également son Oscar pour « Wall street » qui lui a fait « sentir qu’il sortait de l’ombre, du moins, pour les acteurs, puisque c’étaient eux qui l’avaient nommé. »  Il évoque aussi sa mère qui lui a transmis sa « joie de jouer ». Il devient sérieux pour évoquer son rôle aux Nations Unies dans sa lutte contre la prolifération des armes et en particulier des armes nucléaires en insistant pour que les médias s’en fassent l’écho. Selon lui, c’est « un problème sur lequel nous pouvons concrètement agir » et « avec l’approche des Présidentielles aux Etats-Unis les gens parlent de leurs peurs premières parmi lesquelles  le nucléaire », et « Républicains comme Démocrates  sentent qu’il est nécessaire de réduire ces armes  ». Il espère aussi que le « nouveau président français agira dans ce sens »...

    Avec plus dé légèreté, évidemment,  il répond aussi sur ses goûts cinématographiques, d’abord sur les films favoris de sa propre filmographie, les films « dans lesquels il est difficile de trouver un juste équilibre » : « La guerre des roses », « Chute libre », « Attraction fatale » « Wonder boys » et ses films de prédilection dans toute l’Histoire du cinéma  comme  « Le Parrain », « 2001 Odyssée de l’Espace », « La nuit du chasseur »…

    15a668b73db91648390f40853cb8fcdf.jpgEnfin il évoque les raisons pour lesquelles il a accepté de devenir ce « Roi de la Californie » avant tout le scénario, un des plus « drôles et originaux » qu’il ait « lu depuis longtemps ». Si, comme souvent, pour les films d’ouverture, « Le roi de la Californie » n’est pas un chef d’œuvre, c’est un premier film sensible, une fable  qui, à l’image de son fantasque personnage principal, oscille entre humour et  émotion à fleur de peau. C’est surtout pour Michael Douglas un magnifique rôle, un personnage inédit, loin de ses habituels rôles plus froids et compassés,  qui lui permet d’explorer une nouvelle facette de son talent et de nous maintenir attentifs du début à la fin, guidés par le regard illuminé, rieur et un peu fou, de ce personnage barbu, fantaisiste et attachant, qui persuade sa fille qu’un trésor datant du 17ème siècle est caché sous une quincaillerie, aussi grâce à un scénario plutôt habile. Mike Cahill  relate avec sensibilité (plus qu’il ne met réellement en scène) les relations entre un père qui ne veut pas grandir et une fille qui doit faire figure l’adulte. Une relation emblématique d’une génération plus grave, sérieuse que la précédente mais avant tout un divertissement qui se regarde avec plaisir mené par un Michael Douglas qui nous embarque dans sa folie communicative et parfois salutaire dans un monde (Cinématographique ? Pas seulement ?) qui se prend parfois un peu trop au sérieux…

    Michael Douglas est de ces acteurs incontournables dont il est néanmoins parfois difficile de citer un film ou un rôle plus marquants, tel fut en tout cas le cas pour un certain nombre des invités interrogés par Didier Allouch sur le tapis rouge sur lequel parade une foule hétéroclite : une Ministre à l’enthousiasme débordant et à la voix haut perchée (au choix…), l’ombre d’un écrivain qui n’écrit pas ses livres, un ancien escroc international, une grande actrice qui se fait rare – à Deauville du moins-, invitée surprise de cette soirée d’ouverture,  interprète fétiche et prestigieuse d’André T échiné qu’elle a honoré de sa compagnie-à moins que ce ne soit l’inverse – et qui, à la question sur le cinéma américain  répond qu’elle aime « tous les metteurs du cinéma américain, le cinéma d’auteur, le cinéma d’action, et surtout le cinéma d’auteur (bis :-)) », un humoriste ou plutôt quelqu’un défini comme tel qui, se cache derrière un rictus  faussement caustique et réellement embarrassé pour dire , qu’il aime « tous ses films » sans pouvoir en citer un seul, ou un écrivain-chroniqueur-adepte des mondanités qui cite avec ironie « Les rues de San Francisco ». La cérémonie d’ouverture a été dédiée par Lionel Chouchan à Jack Valenti (ancien président de la MPAA), Jean-Pierre Cassel (qui est «  venu tous les ans au festival ») et Jean-Claude Brialy qui était également un habitué du festival.  A Deauville, la nostalgie et la mélancolie affleurent toujours, les étoiles apparemment si étincelantes,  ont plusieurs  facettes,   mais « the show must go on »…

    De mon côté,  je vous recommanderais plutôt « The game » de David Fincher, un film jubilatoire, ludique, et palpitant. En espérant que ce 33ème Festival sera  à son image ! Et que le destin continuera de tisser sa toile magique et invisible. Réponse dans quelques jours…

    Sandra.M, en direct du 33ème Festival de Deauville

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